Soutien à la demande estudiantine d’un comité éthique compétent à l’EPFL

Les liens de l’innovation technologique et de l’ingénierie de pointe avec la fabrication d’équipements militaires et d’outils de surveillance répressive dont la dangerosité ne cesse de croître ne sont plus à démontrer.

L’innovation technologique, et en particulier l’utilisation de l’intelligence artificielle, fait désormais peser sur des populations civiles et à très large échelle, des menaces sans précédent. Elle se révèle également capable de faire vaciller des fondements de gouvernance démocratiques essentiels et durement acquis contre les totalitarismes au fil des siècles. Si l’on y ajoute le fait que nombre d’états belligérants et d’acteurs politiques de premier plan semblent désormais enclins à bafouer sans ambages le droit international, mettre en place les principes de sciences et technologies éthiques devient un enjeu absolument vital pour les droits sociaux et humains ainsi que pour la préservation de la démocratie.

Les hautes écoles suisses, qui sont en première ligne dans le développement de technologies de pointe, se déclarent engagées dans des approches conformes aux droits humains [1] et sont dotées de chartes [2] et de règles relatives à l’éthique [3]. Le premier rapport de l’EPFL [4], réalisé à la suite des mobilisations étudiantes liées au conflit israélo-palestinien, a été largement critiqué pour son manque de rigueur et ses lacunes, démontrant ainsi l’insuffisance des dispositifs existants face aux enjeux actuels.

Les injonctions récentes de la Cour Internationale de Justice et de la Cour Pénale Internationale concernent aussi les universités suisses en tant qu’institutions tenues de respecter les dispositions nationales et internationales en termes de droits humains.  Il est de ce fait clair que les hautes écoles suisses ne peuvent plus esquiver leurs responsabilités. Elles doivent ouvrir un débat approfondi et transparent sur l’usage militaire et sécuritaire de technologies “à double usage” [5], dont certaines sont aujourd’hui accessibles à large échelle et à tout public. Il en va de leur intégrité, de leur réputation mais aussi de l’adhésion et de la confiance de leur communauté en leurs institutions. La question des “technologies à double usage” en particulier est un thème urgent, sur lequel toute institution liée à la recherche et à l’innovation doit se positionner, de façon à éviter que ses travaux ne servent à la violence ou à la répression des droits humains.

Enfin, l’absence de règles claires sur ce qu’il est éthique d’entreprendre dans le cadre d’activités académiques fait actuellement planer des doutes, justifiés ou non, sur tout événement, collaboration ou recherche liés à une technologie suspectée de double usage. Le climat de malaise qui en résulte constitue une menace évidente à la réputation des institutions, la qualité de la collégialité et la liberté académique.

C’est pourquoi, au nom du comité du Collectif pour la Liberté académique, la Démocratie et la Solidarité (CLADS), nous exprimons notre soutien à la demande émanant d’étudiant·e·s de l’EPFL d’emboîter le pas à l’université de Lausanne en mandatant un rapport d’expert·e·s indépendant·e·s sur l’éthique des collaborations. Une telle réflexion constituerait un premier pas essentiel pour garantir l’alignement de nos institutions académiques sur leurs valeurs fondamentales, le bien public, les droits humains et le droit international.